D'une envieuse à un.e autre

26 janvier 2023

J’ai tendance à être une personne envieuse.

J’ai une confession à faire : pendant très longtemps, j’ai été une personne envieuse. Si envieuse, que j’ai atteint le stade de ne pas pouvoir me réjouir pour mes ami.es quand iels m’annonçaient certaines bonnes nouvelles, le stade de penser que je méritais leurs succès plus qu’elleux ne le méritaient, le stade d’envier des gens pour des réussites qui n’avaient rien à voir avec ce que moi je voulais accomplir dans ma vie.

Ça fait mal de le dire, parce que le fait d’être envieux.se, c’est quelque chose qui me fait honte, et qui fait honte à beaucoup. C’est quelque chose que j’aimerais ne pas avoir été, que j’aimerais ne pas avoir ressenti, qui me fait culpabiliser, qui est tabou. Mais, j’avais besoin d’en parler parce que quand je me suis rendu compte en 2019 à quel point j’étais devenue envieuse, à quel point ça m’affectait mentalement et à quel point ça affectait mes relations sociales, j’aurais aimé que plus de gens en parlent de façon décomplexée, pour que je ne me sente pas comme le pire des monstres.

Alors aujourd’hui, c’est un peu tremblante et stressée que je reviens sur mon expérience de personne envieuse et surtout sur mon parcours (long mais gratifiant) de déconstruction pour essayer de rééquilibrer les choses.

Pourquoi suis-je envieuse ?

En 2019, une amie m’a annoncé qu’elle allait se lancer dans les covers de chant et de danse dans la KPOP. Ma première réaction ? La jalousie, l’envie. Je n’ai jamais voulu faire de chant ou de cover de danse et pourtant, j’ai été envieuse immédiatement. Ça m’a fait mal de voir que l’envie était ma première réaction, pour presque tout. Je me suis sentie coupable, anxieuse et terriblement honteuse de voir que j’étais envieuse à ce point.

Je me suis donc confrontée à la question : pourquoi je me sens envieuse par rapport à elle et à ce projet. En 2019, j’étais en plein burn-out créatif et j’allais mal physiquement : ma santé se dégradait vite. Et je me suis rendu compte que j’étais envieuse parce que je n’arrivais pas à vivre mes projets créatifs, et mon amie elle le faisait. J’étais envieuse de sa situation, parce que la mienne ne me convenait pas.

Sauf qu’en 2019, je n’avais pas l’énergie et le temps (ni l’envie) de me consacrer à ma passion. Et je ne l’acceptais pas, je me sentais bloquée. Aujourd’hui, fort heureusement, ma santé est bien meilleure et c’est aussi pour ça que je parle de ce sujet aussi ouvertement. Si j’étais toujours dans le même état de santé qu’en 2019/2021, je ne serais pas en train d’avoir ce discours, car l’amélioration de ma santé fin 2021 est ce qui m’a permis de sortir la tête de l’eau et d’avoir plus de ressources (temps, énergie, créativité, apaisement mental) pour me remettre à mes projets créatifs et travailler en parallèle sur mon côté envieuse.

Si jamais, je précise qu’à travers ces mots je ne suis pas en train de vous dire qu’en 2019, j’aurais dû me mettre un coup de pieds aux fesses et me « donner les moyens » de travailler sur mes projets et objectifs créatifs et que c’est ce que vous devriez faire aussi si vous êtes envieux.se. Si vous n’allez pas bien, pour quelque raison que ce soit, déjà je vous envoie de la force, mais je tiens à vous dire que vous n’avez pas à vous « forcer », à vous « mettre un coup de pied au derrière ». JAMAIS. Des fois, il y a des choses dans nos vies qui prennent beaucoup de place et qui deviennent des priorités, même si on ne le voudrait pas. Dans les cas comme ça, aussi frustrant que cela puisse être, prenez soin de vous. Toujours. C’est la priorité.

Me recentrer sur mes valeurs, mes priorités et mes objectifs.

Une fois qu’on sait pourquoi on se sent envieux.se, on y voit déjà plus clair. Le but n’est pas de changer entièrement sa vie pour résoudre le pourquoi du comment, loin de là. Le but, c’est de se recentrer sur nous pour le moment, sur nos valeurs, nos objectifs et nos priorités. Avec l’envie, on regarde souvent chez les autres, des fois même alors que leurs objectifs ne sont pas les nôtres.

Un exercice qui m’avait aidée à me recentrer sur moi, c’est d’établir mes priorités. C’est assez simple à mettre en place : sur une feuille de papier, on note toutes les choses importantes dans notre vie : la famille, la santé, le voyage, l’argent, l’amour, l’écriture, acheter une maison, maintenir des relations sociales, créer une entreprise,… Le but n’est pas que quiconque à part nous voit cette liste, donc on y va avec toute l’honnêteté possible. On brainstorm sur une feuille et ensuite, on hiérarchise tout ça pour établir une liste (de 1 à 10 par exemple) des choses qui sont les plus importantes pour nous. Ce sont nos priorités et nos valeurs centrales. Alors, je ne dis pas que cet exercice doit conditionner toute notre vie ou qu’il le faut le prendre au pied de la lettre, mais juste que ça nous donne une vision d’ensemble plutôt réaliste de nous à un instant T.

Avoir cette liste sous les yeux permet également de voir certains déséquilibres parfois, qui expliquent qu’on ne se sente pas aligné.es avec nos objectifs et nos valeurs. J’imagine que pour beaucoup, le travail ne rentre peut-être pas dans la liste des priorités, et pourtant il occupe toute une partie de nos journées. On ne peut pas faire autrement. Ce qu’on peut faire en revanche, si l’écriture entre dans la liste des priorités, c’est de se dire « okay, quels petits changements est-ce que je peux apporter dans ma vie pour accorder un peu plus d’importance à l’écriture ? » Une séance d’écriture le matin avant d’aller au travail ou le soir avant d’aller se coucher, une ou deux heures dédiées à nos projets sur un jour de repos, un rendez-vous d’écriture avec un.e ami.e, ou écrire dans un café pour se changer les idées,.. Sans parler de changer entièrement notre vie, il s’agit de voir comment on peut implémenter certaines choses pour se sentir plus en accord avec nos envies et nos besoins. Ca m’a personnellement énormément aidée à me sentir plus alignée avec mes projets et ça m’a permis de prendre du recul : voilà comment, à mon échelle, avec mes ressources, je pouvais me sentir mieux et profiter de mes projets.

(ré)Apprendre l’empathie.

Le premier pas dans ce cas, pour moi, ça a été de prendre conscience que ma liste de priorités et de valeurs ne ressemblait sûrement pas à celle des autres. L’écriture y arrive en troisième place, après ma santé et ma famille. Mais peut-être que pour quelqu’un d’autre, dans une situation toute différente de la mienne, l’écriture arrive en premier car c’est un besoin vital, au même titre que ma santé l’est pour moi. On a pas toustes les mêmes objectifs et envies dans la vie ni les mêmes ressources, et c’est normal. Ce n’est ni une bonne, ni une mauvaise chose, c’est comme ça.

Par exemple, je voulais publier Frontière Numérique moi-même car je savais que ce projet ne convenait pas aux grosses ME qui m’intéressaient et que, pour plein de raisons, je ne suis pas intéressée par les petites et moyennes ME. Début 2022, j’ai eu peur d’être envieuse de mes copaines et des gens qui allaient sûrement signer dans des ME qui m’intéressaient au cours de l’année et finalement, ça n’a pas été le cas. Car j’étais droite dans mes bottes avec mes objectifs, j’étais alignée avec ce que je voulais et ce que je faisais pour mon roman et du coup, je n’ai pas ressenti d’envie envers d’autres personnes qui avaient tout simplement travaillé dur pour accomplir leurs objectifs à elles.  

Ce qui m’amène à un deuxième pas sur le chemin de l’empathie : la vie de tout le monde est compliquée, on traverse toustes des épreuves, des hauts et des bas, c’est quelque chose qui n’épargne personne. Chacun.e a une vie et des situations différentes, pourtant avec le fait d’être envieux.se, on a souvent l’impression que c’est plus facile pour les autres, que l’herbe est plus verte ailleurs et qu’on est les seul.es à galérer. En bref, on projette un peu tous nos idéaux et fantasmes sur la vie d’autres personnes (qu’on ne connait pas, même si des fois avec les réseaux sociaux on a l’impression que si) et on peut avoir l’impression qu’on en bave plus, qu’on travaille plus et que peut-être, on mérite plus que certaines personnes.

Je suis coupable d’avoir déjà pensé ça, il y a quelques années. Et pourtant, en travaillant sur l’empathie, en essayant de se mettre à la place de quelqu’un d’autre, on commence à voir qu’on ne connait pas la vie et les difficultés des gens : la vie de tout le monde ressemble à la nôtre, avec ses galères et ses problèmes,…

Ici, le but n’est pas de se dire « je ne dois pas me plaindre car la vie de quelqu’un d’autre est forcément plus difficile que la mienne », pas du tout : on n’est pas là pour hiérarchiser la souffrance ou se dire que nos rêves sont illégitimes. Ici le but c’est de se dire que tout le monde travaille dur pour écrire et publier son livre. Ecrire, c’est compliqué pour tout le monde : c’est des heures de travail, des doutes, des BL, des réécritures, des remises en question, de la déconstruction, et ce avec des hauts et des bas, des ressources différentes et des choses à gérer dans le quotidien dont on a même pas idée car on ne connaît pas la vie des gens. L’empathie, ça aide à remettre les choses en perspective je trouve, et à se concentrer sur son parcours personnel sans aller se comparer autant à d’autres personnes que l’on ne connait pas et qui ont leur propre parcours.

Où j’en suis avec l’envie en ce moment ?

En 2022, pour la première fois depuis des années, après trois ans à travailler sur moi pour ne plus être aussi envieuse et ne plus laisser l’envie prendre autant de place dans ma vie et dans ma tête, j’ai la fierté de dire que je ne me suis pas sentie envieuse par rapport aux projets créatifs et aux réussites créatives des gens. Il m’aura fallu beaucoup de temps, beaucoup de déconstruction mais pour la première fois en 2022, j’ai réellement été heureuse pour toutes les personnes qui ont signé en ME, que ça soit dans des ME qui m’intéressent ou pas. 

Et je pense que c’est parce qu’en 2022, j’ai lancé mon entreprise, j’ai profité de l’écriture de mon roman et j’ai accepté d’être moi-même sur les réseaux sociaux, en bref, j’ai fait ce que je voulais, selon mes objectifs et mes envies à moi. En plus d’être fière de moi, de mon travail et de ce que j’accomplissais, ça m’a aidée à être profondément heureuse pour les victoires d’autres personnes, ça m’a permis de me sentir motivée et inspirée sans comparer ma vie à la leur. Parce que j’étais sur mon chemin et elles sur le leur, et je n’aurais échangé ma place avec elleux pour rien au monde.

Bien sûr, si j’ai battu l’envie cette année, je sais que ça peut revenir, surtout dans les périodes de doutes ou celles où on est pas aligné.es avec nos envies/nos vies. Et si c’est le cas, si l’envie revient, alors j’espère avoir le recul émotionnel de me dire « ça va aller, chacun.e son chemin ». 

Morgane Luc script doctor et lectrice sensible

Morgane Luc

Hey, moi c’est Morgane, autrice et podcasteuse ! J’ai créé “Confidences d’écriture” pour partager ma passion pour l’écriture, la lecture et mes conseils en édition.

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