Un partage sur le perfectionnisme
12 décembre 2022
Récemment, après un live d’écriture organisé sur le café des auteurices, le serveur discord d’écriture que j’anime, j’ai demandé aux auteurices si iels se souvenaient de leur premier projet de roman, si peut-être iels en avaient des traces à nous partager. C’est amusant, c’est nostalgique, je trouvais ça génial !
Jusqu’à ce que je me rende compte que, même si je me souviens un peu de certains projets de romans que j’avais quand j’étais petite (ma fameuse fanfiction non assumée de X-Men), je n’en ai plus aucune trace. Et je ne parle pas seulement de ma mémoire un peu (trop) sélective : quand j’écrivais à l’époque, j’étais déjà habitée par le perfectionnisme, si bien que quand ce que j’écrivais ne correspondait pas à mes standards, je déchirais les pages de mes carnets ou, plus tard, je supprimais les fichiers word contenant mes travaux.
Sauf qu’à l’époque, je ne savais pas comment écrire un roman : j’avais 12 ans, je n’avais aucune conscience du travail que ça demandait d’écrire. Je pensais simplement qu’un jour, les auteurices étaient « frappé.es » par l’inspiration divine et hop, iels écrivaient un roman tout beau, tout propre. De mon côté, j’enchaînais les premiers chapitres d’histoire sans jamais aller plus loin, convaincue que si c’était mauvais, c’est que ce n’était pas « la » bonne histoire.
J’avais des attentes immenses envers moi-même, et en en discutant avec des copaines perfectionnistes, je me suis rendu compte qu’il y avait un dénominateur commun à nos expériences : on est des enfants qui ont été jugé.es « surdoué.es » par nos enseignant.es à l’école. Pour ma part, j’étais très bonne à l’école, et j’aimais particulièrement le français et les rédactions. Ecrire, c’était mon truc. Mais qu’on me dise que j’étais douée, qu’on place des attentes sur moi (qu’on me note différemment sur mes écrits parce que j’étais douée et j’aimais ça), ça m’a poussée à un perfectionnisme et à une peur de décevoir et de « rater » terrifiante.
Je pensais qu’il fallait que j’atteigne les standards des auteurices que j’admirais, que je crée une œuvre à la hauteur de celles que je lisais, qu’elle soit un « succès », sinon mon art ne valait rien. Alors, tout ce qui n’était pas « parfait » partait à la poubelle. J’ai fait disparaître moi-même toute une partie de mon parcours, de mon chemin d’apprentissage, à cause du perfectionnisme. Ça fait mal de voir que c’est quelque chose qui m’habite depuis que je suis toute petite. Ça fait seulement un an et demi que je tourne le dos au perfectionnisme et que j’essaie de m’enlever cette pression.
Je trouve qu’on est souvent trop dur.es avec nous-même et qu’on ne laisse pas assez la bienveillance entrer dans notre parcours créatif. Et on ne se rend pas compte jusqu’à ce qu’on prenne du recul, cinq, dix, quinze ans plus tard et qu’on se dise « j’aurais aimé garder des traces de qui j’étais et qui je suis devenu.e ».
Alors la prochaine fois qu’on trouve que notre travail n’est pas exactement ce qu’on voudrait qu’il soit, qu’on a envie de tout jeter à la poubelle, prenons du recul. Quand on cuisine, avant que la gâteau soit posé sur la table pour le dessert, tout beau, bien décoré et délicieux, il n’était rien de plus que quelques œufs et de la farine dans un saladier. Et à chaque nouveau gâteau, il faut repasser par cette étape pour ensuite se régaler. Ecrire c’est pareil. Alors ne laissons pas disparaître ces traces de notre parcours, de notre évolution et de nos rêves.
Morgane Luc
Hey, moi c’est Morgane, autrice et podcasteuse ! J’ai créé « Confidences d’écriture » pour partager ma passion pour l’écriture, la lecture et mes conseils en édition.