On discute scnéario, perfectionnisme et titres avec Haud
20 octobre 2022
Aujourd’hui nous accueillons sur le podcast mon ami Haud pour discuter de l’écriture de scénario, de perfectionnisme et procrastination mais aussi de comment trouver un titre à son projet ! J’avais hâte de parler avec lui de tout ça : sa bonne humeur et sa créativité sont contagieuses, j’espère que ça vous fera du bien !
1. Salut Haud, est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurices ?
Haud : Hello ! Je m’appelle Haud, j’ai 29 ans et j’aime raconter des histoires, peu importe la manière et le support, mais je me suis spécialisé dans l’écriture de scénario.
2. Avant de commencer, dans quel univers fictif vis-tu en ce moment, une lecture ou une série que tu regardes en ce moment ?
Haud : Je suis à fond dans Critical Role. C’est une chaîne de stream de roleplay dans l’unviers fantasy de Donjons et Dragons avec une équipe de voice actor qui font du jeu de rôle ! C’est la troisième campagne déjà, ça fait sept ans que la chaîne et l’univers que le maître du jeu a créé existent.
3. Et toi, est-ce que tu fais du jeu de rôle ?
Haud : Oui, avec des ami.es/collègues de l’école (de la cité) d’ailleurs. On a créé une histoire dans une école de magie, c’est trop bien !
4. Tu es scénariste : comment est-ce que tu as su que c’était vers cette forme narrative que tu voulais te tourner ?
Haud : La plupart du temps quand j’imagine des histoires, j’ai toujours des images filmées en tête, des plans, des scènes de films. Donc je me suis dit que ça serait la meilleure façon pour moi de raconter mes histoires. Après, je me sentirai capable de raconter des histoires à travers la BD, la danse,… mais les films/séries me paraissent plus adaptées pour aller à l’essentiel et transmettre ce que je veux rapidement aux gens.
5. Je trouve que c’est assez difficile de raconter une histoire à travers des images, à tes yeux, est-ce que c’est un aspect challengeant de l’écriture audiovisuelle ou est-ce que c’est quelque chose dans lequel tu te sens à l’aise ?
Haud : Concrètement, oui, c’est difficile parce que retransmettre une action concrète à travers l’écriture c’est pas toujours évident et dans le scénario, on doit romancer les choses le moins possible et on ne peut pas dire ce que le personnage à dans la tête. On doit le montrer à travers des images et des actions et ça ajoute un autre niveau d’interprétation pour les spectateurices. Personnellement, j’essaye de romancer un peu quand-même, pour que les idées soient compréhensibles facilement.
Après, comme on travaille en équipe sur un film, plusieurs personnes interviennent aussi pour nous aider à transmettre nos idées au mieux avec la réalisation, des jeux de lumières, d’acting,…
6. Est-ce qu’il y a des aspects challengeant pour toi dans l’écriture de scénario ?
Haud : Ecrire des films qui font moins de 2h30 déjà… Mais sinon, dans l’écriture même je n’ai pas trop de difficultés, à part en ce qui concerne la régularité et la lutte contre le perfectionnisme !
7. Sur quel projet travailles-tu en ce moment ? Est-ce que tu peux nous le pitcher ?
Haud : Mon projet actuel est un drame familial qui s’appelle « Crossroads » et raconte l’histoire d’Aelyn, 28 ans, qui a une vie plutôt tranquille : elle est prof d’histoire à la fac, elle vit avec sa copine d’un peu plus de trois ans et elle commence même à renouer avec ses parents. Mais quand elle reçoit l’opportunité de faire le travail de ses rêves, elle ne sait pas si elle doit tout abandonner pour accomplir ses objectifs ou rester dans son confortable quotidien. Perdue elle va alors demander conseil à un parfait inconnu.
8. Tu as récemment terminé la première continuité dialoguée (l’équivalent d’un jet dans le langage audiovisuel), combien de temps il t’a fallu pour l’écrire ?
Haud : J’ai filmé tout le processus d’écriture de cette première continuité dialoguée et ça m’a pris environ 80 jours pour tout écrire, de la première à la dernière ligne. Mais j’avais beaucoup préparé l’histoire avec un synopsis détaillé qui était très fourni, donc ça m’a aidé !
Là, il faut que j’envoie cette V1 en bêta-lecture pour recueillir des retours. J’ai déjà des pistes de réécriture, mais il me faut des regards frais dessus pour m’aider à raccourcir un peu le film…
9. Tu as écrit ce film en anglais, est-ce que c’est une question d’audience, le marché français qui ne te convient pas, ou juste la langue dans laquelle cette histoire t’es venue ?
Haud : Quand je réfléchis à mes histoires et que j’exprime ce que je veux dire, je le fais en anglais. Je suis réservé et du coup quand j’ai appris l’anglais, j’ai commencé à beaucoup parler en anglais car personne ne comprenait la langue chez moi et ça me permettait de dire tout ce que j’avais sur le cœur tranquillement. C’est resté : maintenant c’est l’anglais qui me vient en premier.
Il y a peut-être une question de marché français aussi : je pense que cette histoire pourrait être réalisée et produite en France, mais je suis très influencé par d’autres cultures et pays et je pense que je pourrais toucher plus de monde avec l’anglais !
10. Quels sont tes objectifs avec ce projet pour l’avenir ?
Haud : Pour l’instant, je ne sais pas encore à qui présenter ce projet, quoique… Un studio qui m’intéresse bien serait A24, sinon je ne sais pas, il va falloir frapper à toutes les portes ! Je ne me donne pas forcément de « deadline », parce que si je n’arrive pas à la tenir je vais me sentir mal, mais quand je serai prêt et que le projet sera prêt, je réfléchirai de tout ça.
11. Parlons un peu de procrastination et de perfectionnisme : est-ce que pour toi les deux vont main dans la main ? tu procrastines parce que tu es perfectionniste et tu as peur de ne pas atteindre les standards que tu t’es fixés ?
Haud : La procrastination c’est « facile », ça peut nous attraper sans qu’on s’en rende compte mais après coup, je comprends que j’ai procrastiné parce que j’ai eu peur de réussir et que je repousse au lendemain. C’est un peu une boucle sans fin par contre…
12. Tu as quand-même réussi à sortir de ce schéma de pensées et à terminer ton projet, est-ce que tu aurais des conseils que tu appliques pour lutter contre la procrastination et/ou faire taire le perfectionnisme ?
Haud : Il n’y a pas vraiment de remède miracle, il faut apprendre à vivre avec. Personnellement, je me laisse du temps, je réfléchis à pourquoi je n’ai pas envie d’écrire par exemple. Une fois que je sais, j’y vais petit à petit : même si je n’écris pas, mon histoire vit dans ma tête, donc je ne culpabilise pas là-dessus. C’est important d’être indulgent.e avec soi-même. Des fois on s’impose des standards et des deadlines qu’on ne peut pas respecter, et c’est okay. Il faut se laisser le temps, écrire petit à petit et savoir que c’est cyclique : la procrastination reviendra à un moment et parfois, on ne pourra pas écrire pendant quelques semaines, et c’est okay aussi. Le plus important c’est de prendre soin de sa santé mentale.
13. Tu travailles à côté en plus, tu as un travail alimentaire et j’imagine que c’est parfois difficile à gérer aussi ?
Haud : Parfois je rentre du travail et je suis claqué et je culpabilise de pas avancer, mais j’ai pas le choix, je suis obligée de bosser si je veux manger. Il faut l’accepter aussi : je peux pas faire de l’écriture ma priorité numéro un pour le moment. J’ai décidé d’être plus bienveillant avec moi-même parce que pendant des années je me suis flagellé et ça m’a pas vraiment réussi !
14. Parlons un peu de ton processus d’écriture : tu me disais que tu trouvais souvent le titre de ton projet en premier car ça te permet d’avancer, tu peux nous en parler ?
Haud : J’ai besoin d’avoir le titre dès le début, sinon ça me bloque littéralement. C’est comme le nom des personnages, sans ça, j’arrive pas à avancer. Donc je brainstorm mon titre très tôt. Quand je commence un projet, je sais déjà ce que je vais raconter, je connais le début, le milieu de l’histoire et la fin, donc ça m’aide d’avoir ces éléments pour trouver mon titre. Une fois que j’ai le titre, je peux écrire le reste de l’histoire.
Pour Crossroads, le titre m’est venu en écoutant l’artiste Tom Day dont la musique m’inspire beaucoup et une de ses productions s’appelle Crossroads et l’ambiance qu’elle dégage collait parfaitement à mon histoire ! Et comme le titre évoquait l’idée de « différents carrefours », c’était aussi parfait pour le film !
15. Tu nous as livré sur le café des auteurices un guide génial pour trouver des titres, est-ce que tu te sentirais de le partager ici aussi, pour faire profiter les gens qui galèrent avec leurs titres comme moi ?
Haud : J’ai personnellement distingué environ 6 catégories de titres de film.
- Les titres « basiques », avec les prénoms des personnages principaux le plus souvent (Percy Jackson par exemple) : ça donne peu d’indications sur l’histoire, mais ça peut bien fonctionner pour des franchises !
- Les titres « concepts », dans lesquels on met en avant le concept, comme Retour vers le futur : c’est intriguant, on se pose des questions en voyant le titre.
- Les titres « antagonistes » ou « enjeux » : la problématique que va affronter le personnage de l’histoire est dans le titre. Les films « alien », « le labyrinthe » ou « remède mortel » par exemple entrent dans cette catégorie.
- Les titres qui portent sur des petits détails, qui n’ont souvent pas de rapport avec l’histoire mais peuvent apporter une ambiance, un univers. The Breakfast Club, Le Silence des Agneaux ou Life is Strange sont de bons exemples : ici, on se repose en partie sur le rendu, comment le titre sonne.
- Les titres « thématiques » qui représentent le fond du récit, le thème qui va toucher les spectateurices/lecteurices : 12 years a slave, Game of Thrones, V pour Vendetta.
- La meilleure catégorie pour la fin : les titres qui mélangent un peu tout ! Pour moi, ce sont les meilleurs. Prenons A Silent Voice par exemple : ça parle d’un personne malentendant, de harcèlement scolaire, de personnes qui se referment sur elles-mêmes. Ici, le titre amène la thématique ET l’enjeu. Sur un autre vibe, Terminator désigne à la fois le concept (la fin du monde orchestrée par les machines) et l’antagoniste (la machine qui vient tuer le personnage principal). A mes yeux, plus on arrive à mélanger les catégories, mieux c’est !
16. Est-ce que ça t’ait déjà arrivé de changer ton titre en pleine écriture par rapport aux évolutions de ton projet ?
Haud : J’avais une idée de ce que je voulais faire sur un projet de série et à la base, j’avais basé le titre sur le chiffre symbolique 7 mais finalement quand j’ai commencé à travailler sur le développement ça a changé plusieurs fois pour trouver une meilleure version. Des fois, ça m’arrive aussi de trouver un titre de travail sans me poser trop de questions et de me rendre compte finalement que c’est le titre parfait ! Il faut pas trop s’y attacher non plus, parce que c’est toujours sujet à modifications aussi.
17. Tu écris des scnéarios, mais pas que : tu as aussi des projets de comédie musicale, d’album de musique,... et le tout souvent très lié à tes projets de films. Comment toutes ces idées te viennent-elles et comment les développes-tu ?
Haud : La plupart de mes histoires sont liées mais elles n’ont pas forcément un grand impact les unes sur les autres. J’ai créé la majorité de mes intrigues entre mes 18 et 24 ans et elles se passaient toutes dans le même univers, comme c’est le cas dans la réalité. Là on est en train de discuter, mais à l’autre bout du monde il se passe plein de choses en même temps et ça n’a pas forcément d’impact sur nous. C’est sur ce concept là que je suis parti. Donc mes histoires se passent dans le même univers, avec plus ou moins d’impact.
Des fois c’est juste la moto de tel personnage qui apparaît dans tel autre film. Ou alors j’ai un personnage musicien qui fait des musiques de film et dans un autre projet, un personnage regarde un film dont la bande son a été composée par ce fameux personnage. Et parfois, certaines intrigues ont plus d’impact entre elles : j’ai un projet qui parle d’une révolution et une autre qui se passe 30 ans plus tard et forcément on y voit les répercussions de la révolution et des changements que ça amené sur la société. Mon univers est une fresque sur 120 ans environ. Mais si on ne sait pas que les histoires sont liées ça ne perturbe pas du tout la compréhension.
18. Comment trouves-tu la confiance de tenter autant de projets et de genres/médiums d’expression différents ?
Haud : Je sais que je peux faire tout ce dont j’ai envie, même si certaines choses prennent parfois plus de temps. Je suis très confiant là-dessus et je ne suis pas effrayé de tenter des choses. Au moins j’essaye et je m’amuse, donc c’est chouette. Quand on grandit, les gens peuvent nous dire « tu peux pas faire ça ou ça », et j’ai toujours eu cette attitude « ah ouais ? et bien je vais prouver que je peux le faire ». J’ai envie d’utiliser cette assurance pour moi et aussi pour des personnes moins confiantes, pour leur ouvrir la porte et les aider à s’assumer !
19. Est-ce que tu as un mot de la fin ?
Haud : Accordez-vous le temps, que ce soit parce que vous vous sentez fatigué.es physiquement ou mentalement ou parce que vous avez d’autres priorités pour vivre,… Sachez que les choses prennent du temps et c’est pas grave. Des fois, on a un peu une « horloge de Damoclès » au-dessus de la tête et on a l’impression que si on a pas fait certaines choses avant un certain âge, on a raté sa vie alors qu’en fait, on a le temps et il faut se l’accorder. S’il y a d’autres personnes qui font les choses plus vite, c’est génial, mais chacun.e son rythme, ne vous déméritez pas. Rien ne vous empêche de terminer vos projets, il faut juste parfois s’accorder plus de temps.
Vous pouvez retrouver Haud sur Instagram et sur Youtube : sa dernière vidéo en date “30 jours, 1 scénario” retrace l’écriture de son film “Crossroads”.
Morgane Luc
Hey, moi c’est Morgane, autrice et podcasteuse ! J’ai créé “Confidences d’écriture” pour partager ma passion pour l’écriture, la lecture et mes conseils en édition.