Morgane Luc écriture auteure Frontière Numérique

Mon expérience en école d'écriture

27 juillet 2022

Un peu de contexte : pourquoi j’ai tenté cette expérience

J’ai toujours aimé et voulu écrire, donc très tôt j’ai réfléchi et modulé mon parcours scolaire et professionnel autour de cette envie. A 14 ans, je voulais être scénariste et réalisatrice et j’ai fait des études de langue anglaise car j’adore le cinéma et la télévision britannique et je voulais aiguiser mes connaissances de la littérature anglaise. Cela me permettait également d’avoir un diplôme, qui me servirait de filet de secours en cas de besoin. 

Après cette licence, j’avais donc pour projet d’intégrer une école de cinéma pour me former à l’écriture et à la réalisation : à l’époque, j’avais déjà conscience que l’art était un domaine dans lequel il me fallait me former pour me professionnaliser.

Durant ma troisième et dernière année de licence, en 2016, une de mes amies qui voulait aussi être réalisatrice m’a parlé du concours de l’EDLC, l’Ecole de la Cité, fondée par Luc Besson. Je tiens à faire une rapide précision après les scandales qui ont éclatés le concernant dès 2018/2019 : je ne suis pas associée à cet homme, je ne soutiens et défends aucune de ces actions et j’envoie tout mon soutien aux victimes.

Ce qui m'intéressait avec cette école

Ce que j’appréciais avec cette école, c’était son petit prix (300€ de frais d’inscription contre presque 3000€ pour certaines autres écoles) et son accès sans condition de diplôme. Je comprends évidemment que les formations doivent être payantes pour que les formateurices puissent se rémunérer correctement, en revanche je déplore que les cursus d’écriture requièrent des diplômes, particulièrement à l’université où il faut souvent une licence de lettres ou un M1 de lettres pour intégrer ces formations. Je n’aime pas l’idée classiste qu’il faut « un certain niveau d’éducation » pour apprendre à écrire.

Bref, mon amie et moi décidons de s’inscrire au concours. La sélection se fait en trois étapes et d’après les statistiques post-concours de l’école, on était en moyenne 1000 candidats à se présenter au départ. À la fin des trois étapes, nous n’étions plus que 60, 30 réalisateurices et 30 auteurices-scénaristes.

Le concours

Première étape du concours : on nous donne trois sujets obligatoires à rendre sous 48h soit en main propre à Paris, soit par la poste, cachet de la poste faisant foi.

Le premier sujet ne comporte qu’un mot : unité. Tous les médias sont permis pour traiter ce thème. Le deuxième sujet nous invite à présenter notre famille, avec l’interdiction cette fois-ci d’écrire quoique ce soit. Et le troisième sujet (le pire), nous demandait d’écrire une critique d’un film hypothétique entre x réalisateur et x scénariste (les noms des artistes ont été imposés par l’école et je préfère ne pas les donner puisqu’il s’agit de deux hommes aux comportements à mes yeux répréhensibles). Je passe cette première épreuve sans trop y croire.

La semaine qui suit, je suis convoquée à Paris pour la deuxième épreuve : 4h d’écriture sur table. C’est l’épreuve dont je me souviens le moins, tout ce que je sais c’est qu’elle comprenait un questionnaires très particulier et un exercice d’écriture, évidemment. Je réussi à nouveau et je suis qualifiée pour la troisième épreuve, avec seulement 120 candidat.es. A la fin, 60 d’entre nous seront selectionné.es.

La troisième épreuve

Cette épreuve est une expérience que je n’oublierai jamais : elle a duré 24h. Vous avez bien lu, 24h d’épreuves créatives en tout genre, jour et nuit. Écriture de synopsis, pitch, écriture en groupe autour d’un extrait de journal, doublage d’improvisation, pitch d’improvisation, analyse de scénario, dessin,… c’était intense !

Ce jour-là j’ai dormi à peine 2h sur une banquette du réfectoire mais je me suis éclatée. L’attente des résultats était terrible parce qu’à présent que j’avais goûté à cette ambiance d’émulation créative, je voulais vraiment intégrer la formation. Et j’avais rencontré des gens adorables avec qui j’espérais vraiment pouvoir vivre cette expérience.

J’ai su que j’étais prise trois jours plus tard, en sortant du mon job d’été, et devinez quoi ? La plupart des gens avec qui j’avais noué des liens à ce moment-là étaient dans ma promo à la rentrée.

La formation à l’école

La formation auteurice-scénaristes durait deux ans. On était 60 dans ma promotion, 30 réalisateurices et donc 30 auteurices. Pendant deux ans, on a appris BEAUCOUP de choses. On avait des cours de technique de narration, avec des ateliers d’écriture dédiés pour apprendre à structurer des intrigues, des cours pour apprendre à créer des personnages, à pitcher, à écrire des dialogues, à analyser des films et des histoires,…

On a eu des ateliers professionnels avec des gens du milieu du cinéma : des scénaristes, des producteurices, des artistes, des comédien.nes, des auteurices,… qui nous ont permis de professionnaliser nos écrits et de nous familiariser avec le marché.

Pendant deux ans on a vécu écriture tous les jours et toutes les nuits, et on a écrit des courts métrages (qu’on a souvent tournés), on a écrit des longs métrages (qu’on a pas tourné pour le coup parce que c’est un sacré budget), des épisodes de séries, des séries entières mêmes, des nouvelles, des histoires pour la réalité virtuel, des sketchs,… En bref, on développé des dizaines d’idées de récits, seul.es ou en groupe. On a beaucoup travaillé en binôme ou en groupes (parfois jusqu’à 8 personnes…) car c’est très formateur mais aussi parce que dans le cinéma on accepte beaucoup plus l’idée qu’une auteurice ne travaille pas seul.e.

Les opportunités professionnelles

On a pu avoir des opportunités de stage (plus ou moins intéressantes on va pas se mentir) et c’est pendant cette école que j’ai fait mes premiers pas dans l’édition, en tant qu’alternante responsable des manuscrits et des auteurices dans une jeune agence littéraire qui venait de se lancer. Bon, aucun rapport avec l’école pour le coup, j’ai décroché ce stage moi-même, mais disons que j’ai enchaîné les expériences hyper intéressantes.

On a aussi fait des rencontres professionnelles avec des gens qui nous ont lancé des défis créatifs : des musiciens à la recherche des clips, des producteurs qui cherchaient de nouvelles œuvres. Je vous passe les dérives qui vont avec ce genre de précarité du statut, puisque ces offres s’assoient en général bien sur les droits de la propriété intellectuelle puisqu’on était considérés comme « étudiant.es » et donc « en apprentissage » et c’est bien connu, cela veut dire que nous ne méritions pas d’être rémunéré.es. Spoiler alert : les artistes sont en apprentissage toute leur vie, l’art est une expérimentation constante !

(d’ailleurs les promotions qui ont suivies la mienne ont particulièrement souffert de cette exploitation créative abusive : aucun crédit, aucun droit d’auteurice versé, temps plein non rémunéré sur des tournages, j’en passe et des meilleures.)

Le bilan de cette expérience

Ce que je retiens c’est l’ambiance créative dans laquelle on a vécu pendant deux ans, les amitiés incroyables que j’ai nouées, les expériences et tout ce que j’ai pu tester pour me trouver en tant qu’artiste et que je n’aurais jamais osé seule.

Je retiens aussi tout ce que j’ai pu apprendre sur l’écriture mais aussi sur moi et tous les progrès que j’ai fait pendant deux ans : après être sortie de cette école, j’avais une vision plus claire du métier d’auteurice et de mes capacités et envies. Ça a été un tournant dans ma vie créative : mes œuvres avant école et après école n’ont rien à voir tellement j’ai mûri.

Je retiens aussi ces premières expériences professionnelles dans l’édition, qui ont cimenté mes choix de carrière.

Mais il y a un revers à chaque médaille : après cette école, j’ai fait un burn out créatif et je n’ai pas écrit pendant presque trois ans. J’en était incapable, et je n’en avais pas non plus trop envie. Il m’a fallu du temps pour me ressourcer : avec le recul, je suis contente car j’ai pu tirer de bonnes leçons de cette expérience. Il faut prendre son temps, s’écouter, trouver son rythme ! Ecrire tous les jours avec autant d’intensité, la pression des deadlines, la gestion de multiples projets n’est pas pour tout le monde et ce n’est clairement pas pour moi. Je le sais désormais mais je déplore que cette formation n’ait pas plus mis l’accent sur le self-care.

J’ai également eu beaucoup de mal à gérer l’aspect compétition de la formation et la compétitivité de certain.es artistes qui était contagieuse alors que… chacun.e ses envies et ses ambitions (mais ça, sur le coup, c’est quelque chose qui était difficile à garder à l’esprit). Ça m’a montré que bien s’entourer et prendre soin de soin est très très important dans le milieu de la création.

Est-ce que je recommande ce genre d’expérience ?

Absolument ! A mes yeux c’est important de se former pour professionnaliser son écriture et évoluer sereinement dans le milieu. En plus, l’ambiance des formations de ce genre est absolument incroyable : je ne sais pas si j’arriverais à mettre en mots l’énergie, la créativité et le bien-être que ça procure d’être entouré.e d’autres artistes. C’est d’ailleurs une ambiance qui m’a énormément manquée quand j’ai quitté l’école et que j’ai voulu recréer avec le serveur Discord « le café des auteurices » que j’ai mis en place au début de l’année 2022.

Formation ou non, je tiens à vous dire de toujours faire attention à vous : prenez soin de votre corps et de votre tête, c’est tellement important, encore plus car ces cursus sont des milieux très compétitifs et qui drainent facilement notre énergie et notre créativité.

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Morgane Luc

Hey, moi c’est Morgane, autrice et podcasteuse ! J’ai créé “Confidences d’écriture” pour partager ma passion pour l’écriture, la lecture et mes conseils en édition.

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